2 février <Thaïlande, janvier 2005. Nous nous attendions à atterir dans un pays en deuil, totalement bouleversé par l'ampleur de la catastrophe subit 8 jours plus tôt. Et au lieu de cela, Bangkok s'est livrée à nous tout sourire, vivante et accueillante. Le Bangkok Post du 5 janvier priait les touristes de revenir vite sur la Côte d'Adaman. Pendant que les grandes puissances de ce monde demandent à leurs compatriotes d'éviter la zone et envoient leurs plus grosses devises, la Thaïlande crie au retour des touristes sur ses plages. L'indécence n'épargne personne. Ni nos télévisions qui ont transformé l'évènement en téléthon de mauvais goût; ni les autorités thaïlandaises qui, dans un questionnaire, demandent aux rescapés s'ils ont « envie de se suicider »; ni les journaux thaïlandais qui réclament sans attendre un nouveau « lot de touristes » pour remplacer ceux qui ont perri.
Mais la Thaïlande, c'est tout de même bien plus que le tsunami du 26 décembre. Alors, comme aux yeux des Thaïlandais il n'était pas indécent de maintenir notre itinéraire initial et que le risque sanitaire s'est avéré nul, nous sommes restés en Thaïlande. Après le Sénégal, la Thaïlande nous est apparue comme un paradis pour touristes. Je m'amuse à tenter parfois la comparaison de l'incomparable. Qu'il est doux de se ballader dans les ruelles de Bangkok en toute tranquilité, pour saisir pleinement cette atmosphère si particulière à l'Asie. J'aime l'effervescence des villes, le sens de l'esthétisme de cette culture, l'atmosphère calme et mystérieuse qui règne dans les ruelles et la dignité de ces gens, même des plus miséreux. La Thaïlande a mille visages : ses temples en veux-tu-en-voilà, ses bazards pour touristes avides de contrefaçons et de textiles vendus moins chères qu'un bol de riz, ses gargottes ambulantes servants, à toute heure de la journée, des plats à défriser un africain, ses tribus montagnardes qui n'ont pas vu passer le dernier millénaire, ses plages désertes et paradisiaques et celles bondées de touristes évoquants sur 100m² toute la dépravation du monde dans un étalage de chaires tatouées, percées, cramées par un soleil trop fort pour ses corps imbibés de substances illicites. Exagération? Non, simplement au milieu de cette faune, on trouve aussi des gens « normaux » qui ont simplement oubliés d'aller voir qu'à côté il y a un petit coin de paradis qui leur tend les bras. Et puis la Thaïlande, c'est aussi le bonheur incalculable d'un retour vers le passé. C'est la joie de voir grandir Martin dans un monde qui n'est pas aceptisé : manger sur un coin de table posée sur le trottoir des brochettes cuitent dans la rue, traverser la voie ferrée en apprenant simplement à regarder des deux côtés, mais sans « passage protégé obligatoire », jouer sur le tourniquet en fer de notre petite enfance qui n'est plus aux normes dans nos jardins publics, sans doute parce que ça, c'était vraiment drôle...
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